2008/12/29

S'affairer pour arriver à...

Les guirlandes sur les fenêtres et sur les miroirs.
Les bougies brûlées jusqu’au dernière flamme.
Les papiers cadeaux, eux-mêmes des cadeaux offrant des images fantaisistes.
Les rubans dénoués en couleurs claires et foncées.
La champagne avec ses bulles chatoyant encore au fond des flûtes. La lisière des verres avec les traces du rouge à lèvres.
Une rivière des cristaux sortie du coffre familial. Parant une poitrine avide des caresses ardentes.
La nudité est permise et même, bien vue. Un dos nu vaut mieux tous les miroirs de la maison.
Après les préparatifs, les décorations, les réceptions, les festins et les bruits, s’affairer pour arriver à cette nudité révèle du majestueux talent de maîtriser la primordiale simplicité de l’essence de la vie.

Les inconnus

Te le souviens – tu, cet homme sans – abri à la veille de Noël, endormi sur le banc de la place dépeuplée ?
Te demandes – tu comment vivent ceux qui n’ont pas des manteaux dans les froids pénétrants?
Imagines – tu comment la vielle dame marche-t-elle sur les trottoirs glissants?
Vois – tu l’espoir que la femme enceinte nourrit, en faisant la queue pour recevoir du lait, des oeufs et des vitamines à bas prix des services municipaux ?

Tu n’es pour rien. Mais pour une fois, faisons une prière pour la douleur des inconnus.

Dans le patinage, il y a aussi du zen…

Mon premier patinage a eu lieu hier. C’était le premier patinage non seulement pour la saison, mais le tout premier dans ma vie. Une demi- heure, je me tenais sans cesse des manchettes de sécurité entourant la patinoire. L’enfant de mes amis, un patineur très adroit, m’encourageait de poursuivre mon entraînement. Il me tendait généreusement sa main pour m’entraîner vers le centre de la piste et pour me faire lâcher les manchettes métalliques des côtés. Ce garçon m’expliquait bienveillamment comment il fallait tenir mes pieds, mes mollets et quels mouvements réaliser avec les patins. Je l’écoutais et j’essayais d’exécuter les conseils. C’était évident qu’il fût utile de me fier à l’enfant, car il était le vrai maître de la glace. Voilà, il y a des situations où les enfants sont plus habiles que les adultes. Il y a des moments où les enfants maîtrisent à merveille les défis qui échappent à nous.
Encore une demi – heure plus tard, j’ai réussi à vaincre ma peur et à comprendre que l’équilibre sur la glace était atteignable. Je pouvais me tenir debout, sans aucun support sur la glace de la piste. Ce qui restait, c’était à me lancer dans une marche libre et après, dans un vrai patinage avec des pas légers, en dessinant des mouvements doux. J’étais consciente de mon équilibre réussi et de ma posture bien dressée sur la glace, mais comment me déplacer, comment réaliser de vrais pas en avant, comment me promener sur la piste ? J’écoutais les conseils pratiques et l’expérience vécue de mes proches. J’essayais d’imiter certains d’entre eux, mais je n’arrivais pas à avancer réellement. J’ai souri avec reconnaissance à tous ces gens bienveillants. Pourtant, j’ai reculé de nouveau vers les côtes de la piste.
J’ai arrêté de penser un certain temps. Je me suis juste concentrée sur l’image blanche de la surface glacée devant moi. J’ai lancé mon regard vers le point le plus lointain dans cet horizon blanc. Les nombreux patineurs sur la piste ont disparu de ma vue intérieure pour quelques instants. Pour quelques instants, j’ai eu la sensation d’être l’unique personne sur cette partie de la glace. Et avec le regard lancé en avant, concentré sur la blancheur étalée devant moi, je me suis dite que j’allais atteindre cet horizon en face. Soudainement, sans savoir comment exactement, j’ai réalisé que je marchais sur la glace. Je faisais mes petits pas avec les patins sur cette piste. Pour la première fois dans ma vie, j’avançais sur une patinoire. Ce qui semblait impossible avant deux heures et demie devenait possible devant mes yeux, avec mes propres pas.
J’étais gracieusement entourée de l’amitié et de l’encouragement de mes proches. Cette enveloppe de confiance inspirée est toujours importante. Mais, dans des situations insolites et risquées, je suis persuadée qu’il nous est nécessaire de nous détacher un peu de la réalité et d’arrêter d’en penser. La concentration sur la surface devant nous est suffisante. L’unique conscience de sa vision nous incitera à faire nos premiers pas. Après les premiers pas, tous les autres se poursuivront.
Si vous tentez le patinage pour la première fois, osez juste voir la surface douce de la glace devant vous. Dites – vous que vous franchirez un petit passage, un petit parcours amenant vers un horizon déterminé. Et vous serez là, à cet horizon, dans les minutes suivant cette volonté, ce désir…

2008/12/27

Scintillements et silences du Noël



"Si maman embrasse le Père Noël"

Les deux amants, allongés l’un près de l’autre, écoutaient la chanson:

«Moi, j’ai vu petite maman hier soir
En train d’embrasser le Père Noël
Ils étaient sous le guï
Et me croyaient endormi (…)
Ah ! Si papa était v’nu à passer
Je m’demande ce qu’il aurait pensé
Aurait – il trouvé naturel
Parce qu’il descend du ciel
Que maman embrasse le Père Noël »


Elle lui fait comprendre que si un jour, ils se marieraient et même s’ils auraient un enfant, elle ressemblerait à cette maman de la chanson. Elle aimerait sans doute vivre une aventure « à part de la vie familiale », comme cette femme qui le faisait avec le Père Noël…Elle oserait le faire, peu importe si cela serait pardonnable ou pas.
Mais il entrelaçait de plus en plus fort des doigts dans ses longs cheveux désobéissants et avec un sourire généreux murmurait à son oreille : « Le Père Noël n’est pas un autre homme, mon amour, mais son mari déguisé en Père Noël. » Elle répondait joyeusement à ses caresses, en insistant que, pour elle, « Le Père Noël, n’était pas le père de l’enfant, mais un homme étrange, venu séduire la mère de la chanson…Ou même, son cadeau souhaité : une déviation de la vie de bonne épouse, une subversion de l’image exemplaire de la mère de famille. »
« Mais, non, chérie! Le Père Noël est le père déguisé de l’enfant, que l’enfant ne peut pas reconnaître heureusement. C’est un homme qui aime fort son enfant et qui aime passionnément sa femme. C’est à cause de cela qu’il exauce les désirs des deux ce soir du Noël. »
Pour quelques instants, elle s’est immobilisée dans les mains de son amant. Elle a senti combien il l’aimait. Elle a compris combien il souffrait parfois de ses fantasmes grotesques. Et pourtant,la beauté demeurait dans certains d’entre eux.
La chanson continuait de retentir:

« Quand, j’ai vu petite maman hier soir
En train d’embrasser le Père Noël
J’ai bien cherché pourquoi
Et j’ai deviné, je crois
C’est parce qu’il m’avait apporté
De si beaux jouets
Aussi pour l’an prochain
J’ai bon espoir
Qu’il viendra encore à mon appel
Et de nouveau, je ferai semblant
De dormir profondément
Si maman embrasse le Père Noël »

Le souffle et l’envol de Noël

La nuit de Noël, elle s’est réveillée une heure après minuit. Elle l’a compris, car elle a regardé l’horloge. Elle s’est réveillée du coup. Et comme une enfant enchantée, elle s’est dirigée vers la fenêtre de sa chambre. En écartant le rideau, elle a regardé le ciel. De grands nuages se déplaçaient là. Les uns survenaient aux autres dans une course magique. Certains détachaient moins leurs contours, mais c’était évident qu’un souffle divin créât leurs mouvements célestes. Aucune nuit de cet hiver n’avait été semblable à celle – là. Jamais le ciel n’était empris par une vivacité tellement intense.

Elle s’est laissée s’émerveiller encore un peu de la majesté de ces nuages mouvementés, se persuadant que ce vent aiderait certainement l’envol du père Noël dans son voyage fatidique de l’année.
Avant de relâcher et de remettre le rideau à sa place, elle a envoyé un sourire complice aux arbres à la rue d’en face. Ils dansaient avec leurs branches, les secouant énergiquement aux souffles de la nuit sacrée. Le vent était leur musique. Cette danse était leur cadeau au Noël.

2008/12/25

Ce Noël

Ce Noël, pour 3 minutes, nous nous transformons en deux flacons entrelacés dansants.
Ce Noël, pour 3 minutes, nous frôlons les pailles d’un nid, blotti toujours entre les branches.
Ce Noël, pour 3 minutes, nous atterrissons sur le haut chapeau d’un soldat du bois, jouet de décoration devant une maison calme.

2008/12/22

La vie à côté de nous

La grenade de l'amour

Il l’embrasse avec des lèvres rouges, imprégnées de gouttes de grenade. Ses lèvres à elle boivent cette suavité et dessinent après le nom de l’amour grenadier sur son corps à lui.

La carte de voeux

Une carte de vœux peut être petite. Mais une carte de vœux, même petite, s’avère parfois un grand cadeau. Une carte de vœux est souvent une image, des couleurs et de la poussière dorée ou argentée collée au dessus. En plongeant dans cette image, on peut pourtant saisir toute une histoire spectaculaire. L’image la révèle. Il suffit juste de regarder le petit bout. Les mots qu’il faut mettre dedans ne sont pas nécessairement trop, mais l’émotion éprouvée lors de l’ouverture de l’enveloppe est remarquable. Nous tous, nous rédigeons quelques cartes pour les fêtes et nous attendons quelques autres en retour avec un espoir secret. La sensation est unique lors de l’ouverture de la portière de la boîte postale d’où surgit l’enveloppe avec une écriture qui nous est chère…Nous distinguons les lettres écrites par la main d’un être aimé. Nous effleurons ces lettres. Nous sommes en contact avec le petit bout de papier que cet ami lointain a aussi tenu avant de nous l’adresser.
Si vous n’avez encore envoyé aucune carte, aucune vraie lettre pour cette fin de l’année, allez – y. Vous avez encore un peu de temps pour écrire quelques mots en vrai ou quelques vrais mots. Comme vous le préférez !

En attente des jours de l'âme

Nadia est d’origine iranienne et elle vit au Canada. Ces enfants sont encore petits, mais comme tous les enfants, ils sont entraînés dans la magie du Noël. Lors de notre leçon du français, je la demande comment elle s’est décidée de faire le sapin dans sa maison compte tenue de ses croyances. D’une voix très ouverte, elle m’avoue son amour et son respect pour ses propres traditions, mais elle sait que leurs célébrations ont de l’importance dans son pays d’origine. « Ici, je ne peux pas défendre à mes enfants d’aller voir le Père Noël. Ils voient les lumières et les décorations partout. Ils les réclament à la maison. Noël, c’est pour les enfants. Je ne peux pas leur refuser ce bonheur. Ils vivent ici. Ils attendent avec impatience leurs cadeaux au dessus du sapin. Ils ont appris à l’école des chansons et des poésies pour Noël. ». Jasmie, la petite fille de Nadia, se dirige vers le sapin, resplendissant au coin du salon, s’agenouille près de son tronc et m’indique « l’endroit destiné aux cadeaux ». Son sourire se reflète dans les boules lisses, accrochées aux branches de l’arbre.

Nadia est une femme impressionnante avec l’ouverture de son esprit et la volonté de construire une vie réussie pour ses enfants. En même temps, à la maison, elle parle en farsi aux enfants constamment, pour qu’ils apprennent la langue de leurs racines. Elle veut leur transmettre cet héritage et cette richesse uniques séculaires. Pourtant, elle étudie le français pour pouvoir les aider à l’école et pour « comprendre » ce que dit la professeure. Nadia est une femme contemporaine qui s’inscrit merveilleusement dans son nouveau pays. Mais elle sait respecter les traditions profondes de ses origines. Elle inspire à ses enfants qu’on peut vivre avec ces deux univers.
Le sapin de leur Noël est installé au dessous les tableaux des mosaïques nacrées illustrant des légendes et des personnages de l’Iran lointain.

Je demande à Nadia si dans son pays il y a une fête pareille à notre Noël. Elle me confie, qu’en mars, les gens là font de telles célébrations. Sauf que chez eux, la saison de ces festivités est marquée par l’arrivée du printemps. Tous nettoient et rangent leurs maisons et ils ont aussi leur nuit de l’attente sacrée. Cette nuit, ils savent qu’un vieillard noble, saint et magique visitera les foyers. Pour inviter son esprit chez eux, ils rangent sur une table, couverte de jolie nappe, 7 objets sacrés. Chacun des objets est doté d’un pouvoir, attirant la visite du vieillard saint. Chacun des objets exprime un vœu humain. Le bocal avec le poisson qui nage dedans est le symbole de la vie – même ; il est le souhait que la vie continue. La pomme rouge est l’image de la santé et du bien – être de tous. Les hôtes la proposent au vieillard pour qu’il leur offre des forces et une année saine.
Les quelques pièces argentées symbolisent la prospérité. Ils expriment le souhait de la famille pour un temps aisé. Sur cette table, on trouve aussi un miroir…
Voilà, je me persuade que les humains partout et de toutes les croyances ont leurs « jours de l’âme ». Les humains partout ont besoin d’une nuit magique dans l’année pour renouveler leurs espoirs. Ils ont besoin de ce temps sacré pour que les yeux de leurs enfants se remplissent d’éclats joyeux.

Il est temps déjà que les enfants de Nadia nourrissent les poissons des grands aquariums dans leur appartement, scintillant des lumières multicouleurs. La fois prochaine, lors d’une leçon suivante, nous allons continuer nos conversations sur les fêtes, les différentes traditions, la famille et l’espoir humain.
Bonsoir maintenant !

2008/12/17

Un même parfum pour Elle et Lui Ou comment choisir un cadeau pour Noël

Ce matin, elle a décidé de choisir le parfum de la même marque, avec le même nom, version femme et homme pour elle et pour son amour. Encore un geste symbolique de se souder. La pensée d’investir dans un tel achat serait comme une magie blanche pour leur relation. Charger de belles pensées un objet, c’était cela la magie blanche, non ?
Les Versace étaient trop prétentieux, trop forts.
Les Burberry étaient, par contre, trop doux.
Les Eternity étaient utilisés par un autre homme qu’elle connaissait auparavant.
Les Parda étaient trop luxueux et intenses forcement.
Les Eaux d’Issey étaient jolies, mais les préférées de sa mère à lui, donc pas question de continuer avec la tradition séculaire…
Les Ralph Lauren étaient trop polo, trop golf.
Les Bio étaient naturels, mais pas assez chic pour l’occasion.
Les Coco de Chanel n’existaient qu’en version féminine.

Si elle pourrait préparer les fragrances seule…Mais car c’était la tâche pour une autre vie, dans celle – là, elle allait se satisfaire de fermer les yeux, de se retourner vers le rayon voisin et de prendre le parfum que sa main touchait le premier…Quand on avait trop de choix, on se fatiguait, se perdait et se désintéressait vite. Allez, un, deux, trois…Elle a tourné ses talons et, d’une manière très sûre, sa main s’est arrêtée sur un verre très lisse. En ouvrant les yeux, elle a était étonnée de distinguer un liquide plutôt violet dedans. Comment arrivait – on à donner des couleurs aux parfums ? Mais ce ne représentait pas un sujet à se préoccuper plus. Elle était déjà séduite de ce « choix du hasard ».
Elle s’est approchée encore du flocon et elle a lu L’instant de Guerlain.
Elle ne connaissait pas cette fragrance et ne l’avait jamais utilisée. Elle en était ravie et elle était sûre qu’elle allait trouver l’Instant pour Elle et l’Instant pour Lui.

Le blanc et le noir de l’hiver

L’hiver est beau et blanc. Est – ce la blancheur qui fait sa beauté ? Peut – être cette blancheur est tellement impressionnante à cause des petits oiseaux noirs sursautant sur les branches couvertes de neige du peuplier en face. Peut – être les chats noirs, traversant les trottoirs et les terrasses blanches, font scintiller l’hiver tant.

Ce soir, le ciel est noir. Mais la terre est blanche, protégée dans le douillet de la neige. Il y a une douceur dans le froid. Cette douceur fait sentir la beauté particulière de l’hiver. Un chaton noir surgit du coin de la rue. Il me regarde avec des yeux brillant un instant. Puis, en se faufilant, il se cache dans le blanc. Plusieurs flocons sont atterris sur son pelage. Des flocons blancs se reposent sur les poils noirs. Le petit chaton est comme une peluche vivante qu’on rêve retrouver au pied du sapin. Le retrouveriez – vous ?

C’est le mélange du blanc et du noir qui fait la magie. Mais mon âme réclame le blanc, encore du blanc, plus du blanc...Je réserve le noir pour ma petite robe du Noël. Que tout le reste soit blanc ! Je veux plonger dans la neige. Je sais qu’elle est douce. Je sais que la dureté de l’hiver est douce, elle aussi…Les avalanches blanches ne peuvent jamais blesser les rochers noirs, quelle qu’elle soit leur grandeur.

Premières neiges

Je rentre et je te dis que la première neige tombe au dehors. Je sais que c’est tard. Je sais que tu es bien au chaud. Mais je t’invite à sortir. Faisons juste le tour des ruelles du quartier. Respirons juste la fraîcheur de cette neige. Permettons à quelques flocons de fondre sur nos lèvres. Imaginons que nous sommes les seuls dans cette merveille.

Pour la première fois, j’aperçois les ombres nocturnes des arbres se projetant sur la neige. Auparavant, je saisissais les autres ombres, celles que la lumière du soleil dessinait. Je n’ai jamais fait attention aux ombres nocturnes sur la neige. Maintenant, je sais qu’elles existent. Elles sont plus inspirantes que les paysages japonais. Et qu’est – ce qui arrivera, si je mets mon pied sur l’une de ces ombres ? Une trace de pas incrustée dans la neige ou une moche coupure de l’imaginaire ?

La neige s’entasse et s’entasse. La lumière diminue du coup. Est – ce vraiment trop tard ?
Il faut chercher de nouveau l’accueil de l’intérieur. Et chemin faisant vers le foyer, nous découvrons ce livre. Il est bizarre, abandonné en pleine nuit à la rue. Eperdu dans la neige. Ces pages ne sont pas encore gelées et elles tressaillissent au vent. Les flocons se rassemblent l’un après l’autre sur le corps frêle du livre. Qui a pu le perdre ou le jeter comme ça ? Et pourtant, il y a là aussi une beauté. Cette beauté est bizarre comme le livre même : demeurant au milieu de la rue déserte, enveloppé de plus en plus par la tombée de la neige. Le matin, les gens ne sauront pas qu’au dessus de cette neige, il y aura aussi un livre qui dort.

La beauté de l’eau glacée

Même maintenant, il y a une certaine beauté dans la nature. Même maintenant, quand les arbres sont dépourvus de toutes leurs feuilles et que la terre se prépare pour son long sommeil d’hiver, on peut saisir une beauté étrange. La beauté est étrange, car elle naît d’un certain vide. Les nids sont vides. Les branches sont vides. Les bancs dans le parc sont vides. Les jardins sont vides. Et pourtant. L’air est particulièrement cristallin. Pur, transparent, froid et calme. On se promène et par ci, par là, on voit quelques écureuils, jouant gaîment dans le feuillage.
L’eau dans la rivière est gelée. Et là, dans sa glace, on distingue des feuilles marron, gelées à la surface. En les regardant, on peut imaginer leur tombée dans l’eau et leur nage avant de s’immobiliser. On les voit immobiles, parfaitement intégrées dans la glace. Comme des miniatures dessinées, comme des trésors incrustés. Je n’ai jamais contemplé avant une image semblable : les feuilles gelées à la surface de l’eau gelée. Toute cette immobilité ne fait pas peur. On sait qu’au dessous de sa beauté glaciale, il y a toujours une vie. La glace va protéger cette vie durant l’hiver. Nous ne devons perdre non plus l’espoir : le fil magique de la vie ne se coupe jamais. Les feuilles immobiles, intégrées dans la surface glacée de l’eau nous le murmurent.

La robe de mariée

Comment se prendre avec cette robe ? La jeune femme hésitait depuis peu, mais il était important de se décider. Aller dans une maison de couture et commander là sa robe en cachette de tous les parents ou aller chez sa mère et la demander qu’elle lui crée cette robe fatidique. Sa mère n’intervenait pas dans les choix de sa fille. Elle ne voulait pas trop s’en mêlait, mais si sa fille le lui demander, elle en serait heureuse. Même si son âge avançait, elle avait conçu et cousu quelque centaine de robes de mariées. C’était toujours pour les filles des autres, jamais pour ses filles à elle. Mais peu importe, tout ce qui comptait, c’était le bonheur de ses filles. Et le bonheur ne résidait pas dans les robes.
La jeune femme hésitait toujours. Devrait – elle choisir sa robe de mariée sans la présence de sa mère et réussir ainsi à créer le début d’une époque tout à fait nouvelle dans sa vie ? Sa robe de mariée, était – elle la clef pour franchir cette époque tellement espérée? Ou bien, c’était le moment idéal pour retourner à ses racines, au savoir – vivre et au savoir – faire qu’uniquement sa mère pouvait lui légués ?
Il fallait qu’elle se mette au clair : voulait – elle s’appuyer sur son origine et son histoire familiale ou voulait- elle mettre toute seule le début d’une autre histoire? La dernière commencerait le jour de son mariage.

Quand je suis

Quand je suis ton renardeau, je me transforme en ouïe aiguisée
Quand je suis ton papillon, je me transforme en ailes et en vol
Quand je suis un masque, je couvre ton visage

Les textes les plus tristes

Malgré le froid violent, en marchant au dehors, on s’aperçoit aux annonces pour des chats et des chiens perdus. Ce n’est pas la peine de culpabiliser ni les propriétaires, ni les animaux. Les uns et les autres sont totalement dépourvus et trop malheureux dans des cas pareils. Personne n’a voulu que cela arrive, mais cela a arrivé. Les gens ont réagi après. Ils démontrent leur douleur, mais surtout leur volonté de retrouver leur compagnon. C’est bien sûr l’humain qui écrit, car l’animal ne peut pas le faire. L’animal ne peut pas écrire qu’il cherche son maître. Mais, s’il est perdu, il souffre autant.
Ce sont les plus tristes textes qu’on puisse lire. Tomber sur eux, un soir froid, en attente du feu vert à l’intersection, cela fait mal au cœur. On sait qu’il y a au moins deux souffrants quelque part dans ce quartier – un humain perdu son chien et un chien perdu son humain. Le dernier veut même payer, pour retrouver son ami. Cela est le trait le plus désespérant de l’argent : la réalité qu’il n’est pas en mesure de reconstituer la vie en manque.

La vie du vent

Déjà, l’automne se repose certainement. Pourquoi l’évoquer alors ? Pour revoir d’où tout à commencer. L’histoire de chaque hiver commence avec le vent. Avant la tombée de la neige, le vent faisait tourbillonner les feuilles. Son souffle puissant soulevait les feuilles et les poussait à former des rondes dansantes. Oui, les feuilles tourbillonnaient en rond. Et même si les gens étaient blottis dans leurs maisons, on imaginait l’esprit du vent. Le vent était vivant. Invisible et visible à la fois. Il n’est qu’un souffle, mais c’est lui qui transforme le paysage. Les choses visibles bougent. Les feuilles s’entrelacent et se déplacent, parcourent la ville pour une nuit. L’esprit du vent anime tout. Je crois que le vent ne mourra jamais. Sa vie est dans son souffle. Un souffle éternel.

Résine, mains et pins

Il n’y a rien du mieux que de renoncer à toutes les règles pour un certain temps. Le temps qu’on se promène dans la forêt un dimanche. Marcher près de l’être aimé et ne pas parler. Ne dire rien, juste marcher et marcher. Ecouter les arbres, le bois, le léger grincement des pics des pins sous les pas. Ecouter la lumière aussi. Cette lumière qui filtre à travers les branchages. Ecouter les frissons de son propre corps. Suivre le trajet de deux fourmis, éloignés de leur fourmilier. Ecouter l’eau qui jaillit quelque part. Et ramasser autant de pommes de pins qu’on veut. Les porter dans ses mains. Les porter sans savoir quoi les faire après. Laisser la résine couler et coller sur les doigts. Plus elle va coller, plus ce sentira le pin et la forêt. Prendre les pommes de pin, cela ne veut pas dire qu’on amènera une pièce de la forêt avec soi, mais au contraire : laisser du soi à la forêt. Car à la fin, on reposera les fruits de ces conifères par terre, au pied des immenses troncs. On laissera une particule de son être aux arbres. On partira avec une ou deux pommes des pins. Le plus précieux qu’on gardera, ce sera la fragrance de la forêt. Les cheveux, la peau et les mains en seront imprégnés.

Est – ce la forêt qui nous a volés pour quelques heures ? Ou sommes – nous qui avons volé la forêt dans nos instants du bonheur ?

L’appel de l’arbre abattu

J’ai fait un faux pas. Je me suis heurtée à quelque chose. Je parcours souvent ce chemin et il m’arrive à trébucher à cet endroit. Pour la première fois, je baisse mes yeux vers l’asphalte. Je découvre avec étonnement qu’un petit tronc de l’arbre coupé dépasse les bords de l’asphalte. Ce petit cercle, ce morceau de l’arbre blessé veut comme si attirer l’attention des gens. A l’ère avant celle de l’asphalte, il n’ y avait ici que des arbres. Aujourd’hui, il ne nous reste que ce petit tronc qui rappelle l’existence des arbres.

Ses chaussures

Cette fille se déplace avec son fauteuil roulant. Ce n’est pas facile pour elle, mais elle ne se plaint jamais. Lors du cours, mon regard saisit les semelles de ses chaussures. Ce sont des semelles parfaitement propres, de nouvelles chaussures toujours impeccables.
C’est bizarre, car je me révolte tout le temps contre la qualité de mes chaussures. Je les achète souvent chères et après leurs semelles laissent l’eau de la pluie pénétrer mes pieds. Cette journée est une telle : je me plains encore de mes semelles. Quand même, après le regard sur la fille au fauteuil roulant et ses chaussures brillant parfaitement, je repense tout. Je me réconcilie avec les miennes. Les chaussures peuvent demeurer nouvelles, si on ne marche pas avec elles. Tout est triste et tout est vrai dans cette observation. Peut – être en fait, ce n’est pas tellement triste que je le crois. Elsa paraît tendre et belle dans son fauteuil. Le fauteuil est sa souffrance et sa vie. Elle n’a pas peur de sortir, même si elle ne marche pas. Et il faut que j’arrête de culpabiliser la pluie et le mauvais temps. Mes pieds peuvent être mouillés par la pluie, je dois changer juste mes chaussures avec des bottes vraiment résistantes.

Les derniers grains sucrés

Ils sont jeunes. Ils sont amoureux. Ils sont au début de leur amour. Jusqu’à ce que le professeur parle dans le grand amphithéâtre, les deux, assis l’un près de l’autre, mangent des bonbons. Au moment où le sachet du papier beige se vide de son contenu succulent, la fille le soulève et verse dans sa bouche les derniers grains du sucre résistant au fond. Le garçon la regarde faire. Il la regarde avaler. Il sait que les derniers grains sucrés sont les plus délectables et il est heureux qu’ils soient pour elle. Peu importe le nombre des bonbons mangés, ce qui reste à la fin est le plus tentant, le plus convoité.

Le lit

Est – ce possible que notre vie change, que notre amour se transforme, si nous nous achetons un lit ? Nous dormons, depuis des années, sur les lits qui ne sont pas les nôtres. Ce sont les lits de l’ameublement des appartements que nous louons. Jamais cela n’a pas été notre lit…Nous l’apprivoisons, nous nous accommodons, mais se transforme – t – il au nôtre ? Ne sont – ils pas trop imprégnés des histoires des autres couples, des autres amants, des autres amoureux tous ces lits dans lesquels nous avons dormons ?
Ce n’est pas grave si nous n’avons pas assez d’argent pour nous acheter des tableaux, des œuvres d’arts ou des divans de cuir. Pourtant, il est primordial de nous acheter un jour notre propre lit et seuls de créer son histoire.

La famille autochtone

Dans ce rêve, je suis persécutée et attaquée par quelqu’un. Plusieurs flèches meurtrières s’élancent vers moi. Je ne sais pas où me cacher pour les éviter. Je ne vois aucune échappatoire. Du coup, un Indien apparaît. Il est majestueux dans ses habits et une coiffe de plumes couronne sa tête. Il ne me sourit pas, mais je sais qu’il est là pour me protéger. Il ne parle pas, mais dès son apparition les flèches, qui m’attaquent, perdent toute leur puissance. Quelques instants après, l’Indien m’offre une flèche spéciale. Elle est décorée de deux plumes bleues. Je comprends que cette flèche est dotée d’un pouvoir suprême. Jusqu’à ce qu’elle soit en ma possession, je ne pourrai pas être blessée. L’Indien, m’amène dans un tunnel et nous nous retrouvons dans sa maison. Là, je rencontre sa femme. Elle est une belle Indienne avec de longues tresses brillantes à la lumière. C’est la première fois que j’ose poser une question. Je les demande si nous nous sommes toujours au Canada et s’ils ont des passeports canadiens pour se déplacer et voyager librement. Ils me répondent qu’ils ont de tels passeports, mais ce n’est pas important pour eux. Dans la vaste salle de leur maison, plusieurs boîtes de différente taille sont rangées en rond. C’est l’Indienne qui s’occupe des boîtes. Je veux savoir ce qu’il y a dedans. La femme me demande si je porte des crayons en couleurs ou de la peinture. Pour elle, ce sera le plus précieux cadeau ; elle en a besoin. Je ne porte aucun crayon en couleur avec moi, mais je propose de leur enseigner le français. C’est l’unique chose que je puisse leur offrir, s’ils veulent apprendre le français. Ils ne me répondent pas.
Je leur remercie pour la protection et pour la flèche avec les deux plumes bleues

Leçon du bénévolat

Je vais pour la première fois dans la maison de cette famille. Notre leçon sera en français.
L’accueil est chaleureux et le contact se fait du coup. Peu après, je comprends que la petite fille est malade. Elle tousse fort et respire mal. Son nez coule et elle parle à peine. Pourtant, cette enfant veut être près de moi. Elle s’assit à mon côté. Elle me donne des grands bisous. Elle élance ses mains autour de moi. Malgré sa maladie, ses yeux brillent et sourient. Dans le tout premier instant, je me dis que j’attraperai certainement le rhume et la toux à mon tour. Je me inquiète, car je supporte toujours mal le rhume et la toux m’est horriblement tourmentante. J’ai subi une opération et on a enlevé mes amygdales. Je sais que ma gorge et mon nez sont trop vulnérables. Tout en parlant et en faisant la lecture du livre, j’ai un frisson intérieur. Je ne veux pas être de nouveau malade après mes convalescences fragiles. Mais le frisson ne dure que quelques instants. Une autre pensée me vient à l’esprit. Je sais que je ne peux pas me sauver, ni repousser la petite fille. Je sais que tout arrive de la manière dont il doit arriver. Je me dis que cette fois, je ne tomberai pas malade. Je crois qu’il y aura une force qui nous protégera tous. Car ce n’est que de bonnes intentions que nous nous sommes ressemblé. Je me dis qu’en faisant du bénévolat, il ne faudra m’arriver rien du mal. C’était mon choix libre et sincère. Cette famille a un réel besoin du soutien, de l’apprentissage, des outils et du progrès. Le reste de la soirée, je suis complètement emprise par les pensées concernant la meilleure méthodologie d’expliquer les textes et la grammaire. La petite fille m’élance de plus en plus fort, elle finit même à se blottir contre moi, en répétant gaiement de nouveaux mots et des expressions. Toute la famille est enthousiasmée et entraînée dans la lecture. Les gens de cette maisonnée sont heureux de notre rencontre, je le suis aussi.
Une fois rentrée à la maison, je me prépare une forte tisane. Je la bois et je me couche. Le lendemain, en me réveillant, j’ai une doute intérieur : ai – je le rhume, tousserai – je ?
J’avale et je sens que tout va bien avec ma gorge. Je me lève et je réalise que mon état de santé est merveilleux, sans aucune trace d’une quelconque maladie.
Je sorte complètement de mes songes et je me dis que c’est ça le bénévolat : vouloir donner du soi, être prêt à risquer quelque chose du soi, demeurer près des nécessiteux et leur consacrer, pour quelques heures, ne que le meilleur du soi, peu importe les conséquences personnelles après. Mais il ne faut pas s’inquiéter parce qu’il y a certainement cette force invisible veillant sur tous qui suivent sincèrement leur choix.

Même si personne ne sait pour ton anniversaire…

Il y a une magie qui remplie un anniversaire. Même si nous sommes déjà de grandes personnes, même si notre enfance a reculé depuis longtemps, notre jour d’anniversaire est notre plus pur cadeau de la vie. Cette journée, la magie est fortement possible. Il suffit d’y croire.
Même si personne autour de toi ne sait que c’est ta fête, même si tu vis seul, même si tous tes proches sont très loin, la magie opère. Elle opère, car tu en es conscient. L’anniversaire est la plus précieuse journée de ta vie. En plus, elle survient chaque année. Profites – en pour acquérir les merveilles.