2009/08/31

« Il faut donner des miettes aux oiseaux chaque jour »

L’étrangeté de cet rêve consistait dans cette voix qui incitait : « Il faut donner des miettes aux oiseaux chaque jour ». En réalité, je mettais du temps en temps des petits grains du sésame, des petits bouts du pain à la terrasse. Je savais que les grains du sésame étaient les préférés des moineaux connaissant ma terrasse. J’avais aussi aperçu que les moineaux se les offraient les uns aux autres en frôlant leurs minuscules becs. Ils ne se pressaient pas, ne se poussaient pas, ne se chassaient pas. Ils savaient partager ce qu’il y avait à la terrasse. Apparemment, il y avait assez pour tous. Pour la première fois dans ma vie, j’ai réfléchi qu’avec les quelques miettes des restes d’un déjeuner, tant de moineaux pouvaient se nourrir. Se souciaient – ils de leurs grains ou savaient- ils qu’ils les trouveraient toujours?

L'or qui est là pour nous

Au bord de l'océan

Elle aimait ces matins quand tout le monde dormait. Elle pouvait sortir au bord de l’océan, contempler l’immensité bleue, courir sur le sable en respirant l’air frais, abandonner ses pieds aux caresses de l’écume des vagues accostantes.
Les jours des vacances finissaient et elle décida de ramasser quelques coquillages. Elle savait qu’une fois rentrée dans la grande ville, elle allait les arranger soigneusement dans un verre transparent, les mettre dans la salle de bain et les contempler lors des bains des week-ends froids.
Ses poches étaient déjà lourdes des coquilles des mules et des petits cailloux polis. Elle s’apprêtait de rentrer, quand, devant ses pieds, elle aperçut un minuscule coquillage rose. Elle s’agenouilla et projeta sa main pour caresser sa coque dure. Puis, elle le souleva du sable. Elle se rendit compte que c’était une petite moule rose entière : elle gardait toujours ces deux moitiés, ces deux coques étaient toujours collées l’une à l’autre. La jeune femme était tentée de l’apporter avec elle et de l’ouvrir à son homme. Mais un instant après, elle reposa le coquillage rose sur le bord près de l’eau et s’éloigna avec un pas lent. Elle eut envie que les vagues mouillassent de l’eau vive et froide ses pieds. Elle s’approcha de la masse écumeuse qui venait se poser sur elle. Les coquillages blancs et noirs, ces belles moitiés des moules vides, retentissaient dans ses poches. Elle pensa que les vagues étaient généreuses ce matin. La petite moule rose, entière et vivante, allait être de nouveau replongée au cœur de l'océan.

Si nous sommes entourés de la beauté...

Est – il vrai que si nous sommes entourés de la beauté et si cette beauté nous submerge, nos âmes sauront vivre en paix et nos actes seront tous guidés par la bienveillance ?

Le mendiant qu'on croise chaque matin

Ne pas hésitez à dire « Bonjour » au mendiant qui croise votre chemin chaque matin. Ce n’est pas grave si vous n’avez pas de pièces à lui donner, votre « Bonjour » pourra aussi lui chauffer le cœur. Qui sait quelle âme se cache derrière ce corps exténué ? Qui sait quel est le mendiant de vrai ?

Une araignée qui veut rester à la maison

J’essaye de chasser la petite araignée de la maison. Je ne veux pas la blesser. Je ne veux qu’elle sorte par la porte grande ouverte et qu’elle aille chercher son chemin au dehors. Une fois derrière le seuil, l’araignée s’infiltre de nouveau à la maison. Je réfléchis un instant. Pourquoi je m’efforce tellement de la faire sortir ? Il y a tant de minuscules fentes.., elle peut toujours y retourner. C’est le soir, je suis fatiguée et après ma petite bataille avec cette petite bête désobéissante, je vais me coucher. Je l’oublie presque. Quelques jours après, je parle au téléphone et je vois un presque invisible fil d’araignée suspendu dans l’espace, au milieu de la chambre. Une araignée y grimpe triomphalement en face de mon nez. Veut – elle rigoler avec moi ou simplement me montrer que la force de la vie et les chemins des araignées ne sont pas déterminés par l’humain?
Je comprends qu’il y a une araignée qui veut rester à la maison.

Cake aux cerises pour le dîner

Elle a décidé de préparer un cake avec les dernières cerises de la saison. Pour les dénoyauter, elle a mis des gants du nylon. Et elle s’est mise au travail. Puis, du coup, elle a enlevé son gant droit, après le gant gauche. Elle a touché à la chair fraîche des cerises, à leur jus écarlate et ruisselant. Elle a vu le jus fruitier colorer ses doigts et ruisseler vers ses paumes, puis suivre vers ses bras. Elle l’a laissé se faufiler là et dessiner ses traces tout en continuant de dénoyauter le reste des cerises. Elle a pensé que c’était cela l’un des vrais bonheurs : laisser ses mains sentir et prendre les couleurs des cerises, des fruits, de l’abondance de la terre. Comme à l’époque de son enfance : quand elle mangeait joyeusement les morceaux des pastèques sans se soucier des ruisseaux succulents s’insinuant sur son menton, son cou, sa robe de petite fille. A cette époque, elle savait qu’elle pouvait plonger dans un bain d’eau chauffée au soleil. Cette eau et ce soleil n’attendaient qu’elle et faisaient part des délices estivaux.
Maintenant, elle dénoyautait les cerises pour son cake avec des mains nues. Elle était heureuse comme dans son enfance. Le cake allait être prêt pour le dîner et le thé élégant avec les invités. Elle avait de quoi justifier les traces imminentes sur ses mains soignées.

L'homme aveugle et ton geste

Quand l’homme aveugle te demande la bonne direction de sa station, instinctivement, tu te mets à lui pointer le sens. Tu te reprends tout suite et tu réalises qu’il te le demande, car il n’est pas capable de la voir comme tu la vois. La patience se met en place. Tu repenses la situation malgré que tu doives te dépêcher pour ton bus et tu choisis de l’accompagner jusqu’à l’endroit en question tout en expliquant judicieusement : « Tout droit, Monsieur…Vous pouvez prendre mon bras…Et maintenant, à gauche...Voilà, on est arrivé. » Parfois, il suffit de repenser nos gestes et c’est presque tout lors de la rencontre avec la différence. Un jour, nous aurons besoin d’un bras pareil et quelqu’un d’autre nous le tendra patiemment.

Ces bonbons qui enferment des secrets...

Les papiers des bonbons éperdus au fond de mon sac à main, surgis par hasard, me redonnent un goût oublié, un goût d’antan et des saveurs lointaines. A l’instant, j’ai envie de croquer un bonbon vert à la menthe et un bonbon orange cristallin. L’heure ne me permet pas d’aller m’en chercher. Mais l’histoire de l’été est dans ces résidus : dans ces papiers dont les couleurs ont pâlies, pourtant le parfum sucré et délectable y est toujours imprégné. Moi, qui prends rarement des bonbons, j’ai envie d’en savourer plein et me laisser succomber à ce souvenir. Chaque bonbon rappelle un trésor convoité : plus te le laisses fondre, plus tes papilles pressent le succulent. C’est exactement comme quand te t’enfonces au cœur du trésor en espérant un secret enfermé là.

Les coquelicots

Les fleurs sont fatiguées. Non, les fleurs sont simplement alourdies des gouttes de la pluie que leurs pétales embrassent et tiennent dans leurs creux depuis quelques jours.
Les coquelicots sont tellement frêles et ils rêvent de s’envoler sur les ailes des papillons virevoltant. Mais comment faire ?

Quelques bulles du savon s'envolent...

Les bulles sortent de la bouteille du savon liquide. Un délicieux arome de lavande envahit l’espace autour du lavabo. Deux bulles se détachent des autres et s’élèvent particulièrement haut : au dessus de l’encadrement du miroir, au dessus des lumières. J’ai peur de les voir frôler le plafond, car j’imagine leur disparition. Mais avec une miraculeuse légèreté, l’une des bulles fait un tour dans l’air et revient vers moi d’une douceur rose et toujours lumineuse. L’autre bulle, atterrissant à son tour de son vol, effleure la bouteille du savon, comme pour lui dire un dernier au revoir. Je n’ose pas bouger ni toucher à rien pour ne pas les faire disparaître. Pourtant, malgré leurs élancements et retours, les bulles ne s’abîment toujours pas. Elles existent encore quelques instants et survolent le savon de lavande. Ce savon, les bulles le portent en elles jusqu’elles décident d’être dans l’air.
Il ne faut jamais se presser de les abîmer. La magie durera tant qu’elles la veuillent, si on se contente de regarder leur vols, envols et survols légers et fabuleusement colorés d’une transparence parsemée du rose.